Réunion (virtuelle) du 28 mai 2020

Œuvres complètes de Montesquieu Comité de direction virtuel (28 mai 2020)

Les conditions sanitaires ne permettant pas au comité de se réunir, la présentation des activités de septembre 2019 à mai 2020 et les perspectives pour les années à venir sont soumises à ses membres. Une version amendée en fonction des réponses et avis reçus et résumée sera adressée début juin à l’ensemble des sociétaires en même temps que la présentation du rapport moral et du rapport financier pour 2019.

Œuvres complètes imprimées

1. Correspondance III (t. XX) : le volume avec le BAT a été envoyé à Classiques Garnier pour impression le 23 septembre 2019 ; le dossier devait ensuite être soumis par CG à la session de février du CNL ; mais tout travail d’imprimerie a été arrêté depuis début mars et n’a repris qu’à partir de la mi-mai. CVA a relancé ENS Éditions début mai pour savoir ce qu’il en était, mais sans résultat tangible (sans doute était-ce trop tôt).

CVA a déposé en octobre 2019 la demande de subvention auprès du Conseil régional d’Aquitaine ; la somme attendue est, comme pour les autres volumes, de 1 000€.

2. Pensées (t. XIV-XV) : après en avoir dressé l’index des noms (ne manquent plus que les renvois aux œuvres de Montesquieu) et avoir commencé l’index des matières, il a fallu aussi passer beaucoup de temps à transformer la présentation du fichier : comme pour la correspondance, toutes les notes de bas de page doivent se présenter à la suite de chaque article ; elles doivent donc une à une être transformées en « texte » (près de 5300 notes…), tandis que les appels de note automatiques sont supprimés et remplacés par des appel de note fictifs (des numéros en exposant), le tout à l’ancienne (à la main). CVA a terminé cela seulement début 2020, avec l’aide d’Elisabeth Baïsse, éditrice à l’IHRIM. Au printemps 2020 le confinement a cependant été propice aux Pensées puisqu’il lui a permis d’achever la relecture générale et l’introduction (près de 80 pages).

Une relecture préliminaire de l’introduction est en cours, par deux membres de l’équipe, Jean Terrel et Myrtille Méricam-Bourdet. L’ensemble sera ensuite envoyé à deux relecteurs extérieurs, Thierry Sarmant, historien, et Frédéric de Buzon, philosophe (mi-juin ?). On peut espérer tenir le délai envisagé l’an dernier : remise à l’éditeur à la fin de 2020.

Parmi les nouveautés de cette édition, on signalera (outre la mise au point chronologique déjà évoquée en 2017 et 2018, et qui a fait l’objet d’une publication dans Dix-Huitième Siècle) la mise en lumière de nombreuses erreurs graves de transcription chez deux secrétaires, qui compromettent la compréhension de certains articles (ces lectures sont rectifiées dans l’annotation) ; une relecture du long article no 1302, jusque-là considéré comme une (médiocre, voire faible) tentative d’histoire de France, qui doit en fait être envisagé comme une histoire de l’autorité ou de la puissance royale, ou « considérations sur l’histoire de France » sur le mode des Considérations sur les […] Romains ; l’identification de la « Dissertation sur les génies » (ou « les esprits ») avec l’Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères ; la reconstitution du Traité des devoirs et l’identification du Traité du prince qui en dérive (voir aussi ci-après, 7), etc. On y ajouterait comme remarquables les bribes du tome IV si celles-ci ne se bornaient pas à deux pages.

Un problème particulier : l’ensemble fera deux volumes des Œuvres complètes ; les Pensées se subdivisent en trois tomes, qu’il faut répartir entre ces deux volumes, sachant que le tome I fait 370 pages (caractère 12), le deuxième 310, le troisième 280 (soit en tout 970 pages). Il faut aussi compter avec 100 pages initiales environ (pages liminaires, liste des abréviations, introduction, description du manuscrit) et près de 90 à la fin (annexes, soit environ 10 pages, index des noms, index des matières, soit plus de 30 pages chacun, index des œuvres de Montesquieu, liste des illustrations, table des matières). On arriverait donc (approximativement, car le « rendu » en pages d’imprimerie peut différer), à 470 pages pour le t. XIV, 680 pour le tome XV : c’est possible, mais cela crée une disproportion importante entre les deux volumes, et cela rend le second volume plus difficile de maniement (nous avons déjà eu un volume aussi long, 750 pages pour le tome XVII) ; mais peut-on envisager d’autres solutions ? (placer les index après l’introduction ?). Il faudra aussi en discuter avec Céline Rohard, notre éditrice.

On signalera enfin les inquiétudes que donnent les perspectives actuelles : le lourd investissement que représentent les Œuvres complètes pour l’éditeur, avec un volume tous les trois ans, risque de devenir plus pesant encore avec la publication simultanée de deux forts volumes, et avec les difficultés que le secteur du livre connaît de manière générale (voir cependant le point 7, in fine).

3. L’Esprit des lois (t. V-VI) : l’idée s’est imposée, après la mise au point de plusieurs livres pour le Spécimen (X, XV, XVI, XXIV, une partie de XXVIII), qu’il faut maintenant prendre les livres l’un après l’autre, afin de mieux suivre le développement de l’ouvrage et de la pensée de Montesquieu. Jean Terrel et CVA ont travaillé ensemble, essentiellement par mail et téléphone (ils ont pu néanmoins tenir trois séances de travail ensemble, en septembre et novembre 2019 et en février 2020), sur les livres II à VI ; les échanges ont pu continuer malgré le confinement, Jean Terrel faisant particulièrement avancer les livres V et VI pendant que CVA était retenue par les Pensées. Parmi les principales difficultés qui émergent, les sources de Montesquieu sur les institutions antiques : les références historiques (ou philosophiques, dans le cas d’Aristote) sont très éloignées des nôtres. JT envisage de reprendre cet été (si cela est possible) avec Céline Spector et Claude Gautier le travail qu’ils avaient déjà effectué sur les livres VIII et XIX. Il sera alors temps de faire le point sur l’équipe à constituer, mais trop tôt encore pour présenter ne serait-ce que le début d’un calendrier.

Une journée d’étude a été envisagée pour le 7 novembre 2020 à Paris, « Notion et figures du peuple dans L’Esprit des lois » ; mais pourra-t-elle se tenir ? Les intervenants pressentis, outre les organisateurs, sont Christian Cheminade, sur le « peuple franc ou peuple français ? », Guillaume Bacot, « La difficile distinction de l’aristocratie et de la démocratie ».

Montesquieu en ligne

4. Essai sur le goût et De la manière gothique : comme prévu en septembre 2019, ces deux œuvres sont prêtes ; elles sont actuellement en phase de test et doivent être mises en ligne d’ici fin mai 2020.

5. Bibliothèque virtuelle Montesquieu : la liste des autorités a été mise au point à Lyon au début de 2020 après bien des vicissitudes, grâce aux interventions successives d’une vacataire en 2017, d’une stagiaire en 2018, et enfin d’Eszter Kovács et de Nadine Pontal en 2019 ; elle est désormais conforme aux nouvelles normes de la Bibliothèque nationale de France (elles présentent désormais les dates de naissance et de mort), elles-mêmes établies en relation avec des normes internationales. Il ne reste plus qu’à la mettre en ligne…

6. Inventaire de la correspondance  : après le séminaire des Treilles qui a réuni Nadia Plavinskaia, Philip Stewart et CVA (9-16 septembre 2019), la constitution de la base de données « Correspondance » a beaucoup avancé : la mise au point de l’interface de saisie, commencée en septembre, s’est prolongée durant l’automne. Des progrès notables ont été réalisés, mais l’outil reste lourd à manier : il doit en effet traiter de données très différentes (depuis les lettres connues seulement par une mention incidente jusqu’aux manuscrits dont on peut pousser la description très loin).

Autre difficulté : l’indexation. Les ingénieurs de l’IHRIM qui ont conçu cette BDD (c’est-à-dire qui ont adapté une structure existante, généraliste, à notre objet particulier), ont préconisé le recours à un outil d’indexation très performant, Opentheso, qui aura l’avantage de permettre l’indexation de l’ensemble des œuvres mises en ligne. Après des débuts laborieux, et au prix d’une adaptation de l’outil, celui-ci semble fonctionner, mais il a fait apparaître une autre difficulté : il ne tolère aucune erreur ou approximation dans les noms des personnages, comme c’est le cas avec tous les outils informatiques. Or les index des volumes imprimés, que nous croyions établis dans les règles de l’art (d’autant que de volume en volume, nous avions l’impression de progresser et de les améliorer), sont très loin d’être satisfaisants ; les noms d’auteurs ne posent guère de problèmes (voir la rubrique précédente, BVM) – à condition qu’ils soient repris selon ces normes, ce qui en soi est déjà un gros travail, mais les noms de personnages historiques de second et même de premier plan sont l’occasion d’innombrables doublons, en raison parfois d’une différence minime purement typographique ou de variantes de présentation (par exemple sur le nom des Bourbon-Condé), ou à l’inverse d’assimilations abusives ; c’est encore pire quand il s’agit de personnages quasi inconnus, tant l’orthographe de leur nom est fluctuante. Il faudra reprendre la question à tête reposée, à partir des remarques et exemples fournis par Nadia Plavinskaia ; mais cela veut dire que le tome XXII de l’édition imprimée, celui des index, qu’on devinait difficile, sera un véritable casse-tête ; ce ne sera pas la compilation des index précédents, mais une reprise intégrale dont chaque item devra être vérifié et harmonisé avec les autres occurrences – ce qui est parfois difficile, même entre deux volumes de correspondance.

La saisie des fiches d’inventaire est faite pour toutes les lettres des tomes XVIII (1700-1731) et XIX (1731-1747), soit 650 fiches. CVA, qui est restée très en retrait durant cette première phase, procédera à la seconde phase, celle de la relecture (indispensable compte tenu de la lourdeur de la saisie), à partir de juin. La présentation à l’écran (= ce que l’on verra à la consultation) fait actuellement l’objet d’une concertation avec les ingénieurs de l’IHRIM.
On pourrait dans ces conditions envisager une mise en ligne de l’Inventaire à la fin de 2020 ; néanmoins de nombreux éléments, notamment les dates, mais aussi l’identification de certains destinataires et auteurs de lettres, posent encore problème, les datations et identifications retenues pour de nombreuses lettres du tome XVIII étant irrecevables. Autrement dit, il faut annoter l’intégralité de ces lettres avant d’en faire l’inventaire… Certes, l’avantage d’une édition en ligne est qu’on peut toujours corriger ; mais s’il est vrai qu’on peut corriger une erreur qu’on a laissé passer, c’est autre chose de mettre en ligne des données non contrôlées (qui peuvent déclencher des réactions en chaîne, si la datation ou l’identification d’autres lettres en dépend).

Le problème ne se pose évidemment pas de la même manière pour la matière du tome XIX ; mais peut-on mettre en ligne l’inventaire des années 1700-1723 (déjà annotées, soit une soixantaine de lettres) et 1731-1747 en laissant un trou ? Ou seulement 1731-1747 ? Tout cela mérite réflexion et discussion, d’autant qu’il s’agit de définir une stratégie de publication : faut-il mettre en ligne des tranches successives, pour montrer notre activité, mais au risque de décevoir par le peu de matière ? ou le « paquet » le plus important possible, mais avec un important délai ?

L’autre question est celle de la mise en ligne des textes mêmes de la correspondance ; elle n’est pas prévue à court ou moyen terme pour le tome XIX, paru trop récemment ; en revanche elle est essentielle pour le tome XVIII. Mais faut-il envisager de publier en ligne seulement quand on aura atteint la limite chronologique du tome XVIII, ce qui risque d’être long ? Ne pourrait-on envisager de publier une certaine masse critique (150 ou 200 lettres ? ou jusqu’aux voyages, avril 1728, soit environ 280 lettres ? on n’a guère de borne chronologique décisive plus tôt, sinon la vente de la charge parlementaire en 1726, soit environ 230 lettres). La question avait déjà été posée antérieurement ; il faut en discuter sérieusement.

7. Prochaines publications : le précédent compte rendu insistait sur la nécessaire souplesse du calendrier ; on ne peut que le confirmer… Jonas Stefen, éditeur des Souvenirs de la cour de Stanislas Leczinski dont le manuscrit a été retrouvé (ce qui constitue une excellente raison de renouveler l’édition), n’a répondu à aucune des sollicitations de CVA. D’autres considérations doivent entrer en ligne de compte : les Geographica ont déjà fait l’objet d’un gros travail de préparation pour la mise en ligne ; mais le volume n’est pas épuisé chez l’éditeur ; ne faudrait-il pas aussi privilégier des œuvres de Montesquieu, plutôt que sa documentation, pour familiariser les lecteurs avec ces éditions en ligne ?

On pourrait aussi mettre en ligne facilement, mais là encore avec risque de décevoir, les textes rejetés (Voyage à Paphos, Questions sur la culture de la vigne, Essai touchant les lois naturelles), puisqu’il a été décidé ne de pas donner les textes et de se contenter de fournir la justification de la décision [Il avait été décidé lors du comité de direction de septembre 2019 ne pas publier les textes rejetés (ce qu’avait oublié le compte rendu – rectification est donc faite à présent).] - en effet une nouvelle publication, même sans annotation, avec moult avertissements, ou avec une présentation différente, pour le corps ou la couleur de la police, etc., risque de pérenniser des textes que nous voulons justement faire disparaître du corpus, tant s’est imposée chez les lecteurs l’habitude de consulter et copier des textes disponibles en ligne sans la moindre précaution : on verra même chez les lecteurs les plus scrupuleux la mention « Texte emprunté au site Montesquieu. Bibliothèque & éditions », ce qui fera office de validation malgré nous ! En tout état de cause, ces titres ne peuvent être mis en ligne qu’à la faveur d’une publication plus importante (il en est de même pour l’œuvre poétique de Montesquieu).

Une conjonction de facteurs divers a fait émerger une nouvelle proposition. CVA, travaillant comme il a été dit plus haut sur le Traité des devoirs à partir des Pensées, a repris la question de De la politique, reprenant contact avec l’Assemblée nationale où est conservé le manuscrit de cet opuscule – du moins considéré comme tel, à partir d’un chapitre que Montesquieu aurait tiré du Traité des devoirs pour constituer une publication à part (voir OC, t. 8). Il lui est apparu que cette interprétation était erronée : il s’agit plutôt d’une version préparatoire d’un chapitre du Traité des devoirs, sans aucune intention de publication. Outre le caractère diffus de la rédaction de ce chapitre, améliorée dans les articles (anciens) des Pensées qui en reprennent quelques passages, il était impossible qu’il soit lu intégralement lors de la séance de l’académie de Bordeaux, le 1er mai 1725, où Montesquieu a présenté le Traité (y intervenaient deux autres académiciens : le temps de lecture n’a guère pu dépasser une heure, alors que le Traité a quatorze chapitres) ; il a donc dû être condensé pour l’occasion. L’origine de l’erreur provient sans doute de l’histoire de l’édition : en 1892, quand il a été découvert, on ignorait le lien avec le Traité des devoirs (qui était peut-être lui-même ignoré) ; il a donc été publié depuis comme un ouvrage indépendant, ce qui a constitué une tradition jamais remise en cause alors qu’était apparu entretemps ce lien avec le Traité. Il devra donc être publié comme partie intégrante du Traité des devoirs (CVA éd. ; il s’agira d’une édition entièrement nouvelle). Une convention entre l’ENS de Lyon et l’Assemblée nationale est en cours, pour mise en ligne du manuscrit sur le site Montesquieu. Bibliothèque & éditions.

D’autre part, Nadia Plavinskaia a monté, avec la collaboration de CVA et P. Stewart et le soutien d’Anne Lagny (ENS de Lyon, IHRIM, germaniste), un dossier de demande de financement auprès d’une fondation américaine, la Richard Lounsbery Foundation : « De Montesquieu à Catherine II, du “prince éclairé” au “despotisme éclairé” », à partir de ses travaux en cours sur le Nakaz. Fin avril 2020, la RLF a retenu ce projet en le dotant d’un financement important (celui-ci sera géré par l’IHRIM à Lyon) . Les points majeurs en sont constitués par un colloque à Lyon sur la notion de despotisme éclairé (2022) organisé par Sergueï Karp et Nadia Plavinskaia et la publication de NP sur le Nakaz (2024) ; mais ces travaux seront précédés et préparés par la publication en ligne de « De la politique », intégrée à celle du Traité des devoirs en 2020-2021 et par une journée d’étude au printemps 2021 (mais pourra-t-elle se tenir ?) sur « Le prince éclairé ».

Le financement de la RLF permettra également de soutenir une autre publication en ligne, Réflexions sur le caractère de quelques princes (que CVA, qui y avait déjà travaillé, se propose d’éditer sur de nouvelles bases, même si on peut retenir certains éléments de l’édition au tome 9) qui relève de la même thématique. Il pourra aussi contribuer (légèrement) au financement de l’édition des Pensées (où figurent les passages subsistants du Traité des devoirs et surtout le Traité du prince) : les perspectives difficiles qui s’annoncent pour l’édition en général dans les années à venir risquent de nous imposer une aide à l’édition (voir ci-dessus point 2, in fine).

Ces nouveaux objectifs étant apparus en février 2020 et s’étant confirmés fin avril, il semble préférable pour l’avenir de ne pas se donner de programme contraignant, afin de saisir des occasions telles que celle-ci. Ce programme réunit toutes les qualités ; ce sont en effet des œuvres courtes (donc plus faciles à éditer que les Lettres persanes ne l’ont été…), présentant des nouveautés incontestables : outre ce qui a été dit du Traité des devoirs et de « De la politique », le manuscrit des Réflexions sur le caractère de quelques princes est revenu au jour en 2013 (vente Sotheby’s) ; enfin, ces opuscules sont unis par une thématique forte. Il faut espérer maintenant qu’un tel alignement de planètes se renouvelle dans les années qui viennent.

Dernières nouvelles : la bibliothèque de Bordeaux connaît des difficultés imprévues, après l’interdiction d’accès aux manuscrits (pour cause de traitements d’insectes) en février-mars, et le confinement. Le bâtiment sera réouvert à partir du 16 juin. Les fonds patrimoniaux seront ouverts du mardi au vendredi de 13h à 18h, le samedi de 13h à 17h.

La consultation des documents patrimoniaux sera possible dans l’espace Aquitaine au 2e étage, sur rendez-vous.